
Le Planning Familial se relance à Bourges et recherche des bénévoles
Comme le rappelle Annie Girard, co-présidente du PF18, c’est en continuant les combats qu’on peut s’assurer le maintien de nos droits car « rien n’est acquis ».
La campagne nationale du PF, « les hommes aussi peuvent être enceints », lancée en 2022, avait suscité de nombreuses violences, attaques et dégradations de locaux de l’association dans certaines villes. Le but de cette campagne était, entre autres, de rappeler que le genre est une construction sociale, et qu’être parent ne veut plus dire une femme cis, enfantant, assignée au rôle de mère exclusivement, et un homme cis devant être le pourvoyeur principal de ressource, assigné au rôle financier. « On désacralisait tous les principes qui prévalaient. La famille, par exemple : qu’est-ce que la famille maintenant par rapport à il y a 30 ou 40 ans ? Il y a pas mal de gens qui ont du mal avec ces changements », souligne Annie Girard.
C’est face aux nombreuses résistances concernant la reconnaissance des diversités et différences constituant l’espèce humaine que la réouverture d’un planning familial localement est une nécessité. Pour cette occasion très spéciale, nous avons rencontré quelques membres actives du PF 18 : Maud Rabillé (co-présidente), Annie Girard (co-présidente) et Justine Kurk (bénévole), qui nous ont parlé tant de l’histoire de l’association que des actions passées et à venir.
Une nouvelle accueillie chaleureusement par la Ville de Bourges, les populations locales, ainsi que les autres structures et associations de la ville. Les bénévoles se sentent soutenues et encouragées.
L’historique du Planning Familial
Le Planning Familial existe depuis 1958 et a succédé à l’association Maternité Heureuse créée par la doctoresse gynécologue Marie-Andrée Lagroua Weill-Hallé en 1956. « Les idées se rejoignaient malgré tout puisque maternité heureuse ça veut dire maternité souhaitée, et non pas subie, ce qui n’était pas toujours le cas pour les personnes pouvant enfanter dans les années 50. Donc, il y avait une visée de libération », explique Annie Girard, déjà membre du PF en 1975.
C’est à Grenoble, en 1961, que la première structure du PF ouvre. Une unité restée très importante. A partir de là, le PF a rayonné dans les autres départements via « les structures d’éducation populaire et, notamment, les auberges de jeunesse. Là, le bénévolat et l’abnégation étaient à leur maximum car les bénévoles ont sillonné la France pour aboutir à des créations d’associations départementales. Ensuite, le mouvement s’est structuré sous forme d’une confédération qui se décline en confédérations régionales et ensuite, en associations départementales. »
Le Planning Familial dans le Cher
Une des premières réunions du PF s’est tenue à Bourges au début des années 1960, avec la participation de Marie-Andrée Lagroua Weill-Hallé.
Si on se penche sur la région Centre, jusqu’à présent, c’était l’Indre qui avait le monopole car le département avait et a toujours des médecins et médecines (1) très engagé·e·s qui ont su dynamiser un groupe particulièrement actif dès les années 1960-1970. C’est pour cela que l’association de l’Indre, qui a l’agrément Établissement d’éducation (à la sexualité), a des salarié·e·s. Un exemple inspirant.
Le Cher est un département un peu particulier concernant la santé sexuelle car « les médecins gynéco-obstétritiens, de l’hôpital notamment, jouaient bien le jeu ». Il n’y a jamais vraiment eu de problème par rapport à l’IVG et à la contraception (2). Paradoxalement, c’est ce cadre médical sécurisant et efficace qui fera péricliter le PF 18 en 1975, car les professionnel·le·s de la santé agissaient plutôt de façon informelle.
En 2008, le PF18 reparaît, « quand le Département a réussi à sortir de l’hôpital le centre de planification et d’éducation familiale et à l’installer en centre-ville ». « C’était dans le but de faciliter l’accès au public jeune, ce qui s’est tout à fait passé. Une réussite complète. » Le centre de planification a ainsi ouvert en ville sous l’impulsion du médecin gynécologue-obstétricien (condition essentielle) Philippe Nottin, président (3) de l’association du Planning Familial et d’un groupe de militantes.
De 2008 à 2013, les actions menées par le PF étaient essentiellement à destination des professionnel·le·s du secteur social et médico-social avec l’organisation de journées de formation.
Entre 2014 et 2018, l’objectif change un peu : l’idée est « de toucher tout public et de trouver les moyens d’élargir le cercle des personnes qui se sentent concernées par ces questions ». Les thématiques sont larges : le désir ou non désir d’enfant, la contraception masculine, les violences de genre, ou encore le continuum d’un cercle familial apaisé vers une société conviviale… Ces rencontres suscitaient l’intérêt des personnes présentes bien que peu nombreuses. « On a réussi à réunir, quoi... 25 personnes en nous comptant, nous ! C’est très décevant. »
A cause de la lassitude et de la fatigue générale des bénévoles, trop peu nombreux·ses, une dernière assemblée générale se tient en 2019 et vient clore les activités de l’association. Les années qui suivent, avec notamment la crise du COVID, accentuent encore davantage à la fois les violences de genre et la difficulté à relancer l’association.
Actualité, actions passées et à venir
En 2022, des membres du PF se retrouvent sous l’impulsion de la mairie de Bourges qui les invite à participer au dévoilement de la plaque Giselle Halimi (4) dans un square de la ville. Un événement qui aboutit au lancement actuel du PF. Les activités vont alors bon train car dans la foulée, pour la fête des associations à Bourges et Vierzon, un stand du PF est installé et des contacts sont établis avec des personnes qui rejoindront finalement l’association.
Les bénévoles n’ont pas perdu de temps car dès septembre 2022, une projection-débat du film « L’avortement » est organisé à la Maison de la Culture, par la Ville avec sollicitation du PF et du CIDFF (5).
Le 19 novembre 2022, pour la journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, le PF a participé à la manifestation avec l’association féministe organisatrice NousToutes.
Le 3 décembre 2022, à l'occasion de la journée internationale anti VIH-SIDA, les bénévoles ont organisé, en partenariat avec le Centre LGBTQIA+ Berry, un stand au centre commercial Avaricum ainsi que des déambulations dans la rue pour discuter avec les passant·e·s sur la question des Infections Sexuellement Transmissibles (IST) et des moyens de protection. Bilan positif avec un très bon accueil de la part des habitant·e·s. Il est également important de mettre en lumière l’inégal niveau de connaissances sur ces questions, alors que nous sommes pourtant au XXIe siècle et qu’il existe une libération de la parole sur ces sujets, l’existence d’Internet et des réseaux sociaux. Ce qui prouve l’importance de l’éducation sur les questions de sexualité et de santé sexuelle.
Le 8 mars 2023, pour la Journée internationale des droits des femmes, l’association a organisé une déambulation dans les rues de Bourges avec cinq stations : la Poste, place Cujas, le Centre Avaricum, devant la CAF-CPAM, et place Gordaine. Une vingtaine de pancartes avec des slogans arborés et scandés devant chaque lieu. Malheureusement, la météo pluvieuse n’aidant pas les manifestations, il n’y a pas eu autant de monde qu’attendu mais les bénévoles ont reçu malgré tout beaucoup de bienveillance et d’encouragement. La journée s’est terminée au café associatif militant l’Antidote avec des lectures théâtralisées assurées par la Compagnie Pace, une projection du film réalisé par le Planning Familial pour reprendre la lutte pour les 60 ans de l'association et des chants militants.
Le 3 juin 2023, une « Fête des Mères décalée ! » à la librairie-café Simone(s) était organisée. On a pu y retrouver des chansons féministes avec Clotide sous le nom de Qonbine Lésruines, une présentation de livres féministes par Magali la libraire, avec en miroir Adrienne Bonnet de la Compagnie Puzzle Centre qui a rappelé les doctes principes énoncés par Nadine de Rotschild dans son livre « Heureuse et pas fâchée de l'être ! », bien loin des engagements libérateurs du Planning Familial. Un contraste saisissant.
Enfin, le 17 juin 2023, le PF a participé à la Marche des Fiertés aux côtés du Centre LGBTQIA+ Berry.
La poursuite du combat
Le Planning Familial du Cher prépare actuellement des actions pour le 28 septembre (journée mondiale pour le droit à l'avortement), et le 25 novembre (journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes). Pour le reste de l’année 2023, il est envisagé de développer « le temps d'écoute téléphonique qui est limité aujourd'hui aux appels ne trouvant pas réponse auprès du Centre de santé sexuelle géré par le Conseil départemental ».
Et pour 2024, l’association espère pouvoir disposer d'un local pour des permanences d’accueil, d’écoute et d’accompagnement du public sur des créneaux bien définis en fonction de la disponibilité des bénévoles formé·e·s. Aussi, l’objectif est la création de temps salariés « pour asseoir une activité pérenne. »
A ce jour, une dizaine de membres régulier·e·s mènent à bien toutes ces actions et ces projets, et affirment : « Nous pouvons promettre que nous serons très accueillantes avec les futur·e·s adhérent·e·s, bénévoles, militant.e.s ! La porte est grande ouverte. »
Dans cette période de perturbations politiques, sociales, économiques et environnementales, maintenir les luttes est essentiel car les acquis sociaux ne le sont en réalité jamais véritablement. Et si « on n’est pas encore un pays avec la clause de conscience, comme c’est le cas en Italie par exemple – les Italiennes viennent en France pour leur IVG d’ailleurs – », restons concentré·e·s pour le maintien de droits fondamentaux tels que l’IVG.
Alors même que d’un côté les militant.e.s se battent et s’engagent depuis des décennies pour l’émancipation des minorités de genre et le droit à une santé sexuelle égale, il persiste de nombreux discours anti-féministes affirmant que la France est un pays dominé par les féministes et qu’il n’existe plus aucun problème pour les femmes et minorités de genre. Des discours épuisants qui peuvent pousser au découragement, d’autant plus lorsque les chiffres et témoignages prouvent encore le besoin de se battre. Ainsi, selon ONU Femmes, « 300, c’est le nombre d’années nécessaires pour atteindre l’égalité de genre, si nous ne réagissons pas. » (6)
C’est pourquoi, les membres du PF ont besoin de bénévoles et si nous voulons voir une société évoluer vers une égalité de fait pour tou·te·s, n’hésitons pas à rejoindre des associations et à donner ce que nous pouvons à hauteur de nos disponibilités et compétences. Tout savoir est utile et servira le combat contre le maintien des inégalités et pour l’organisation d’un monde et d’une vie heureuse.
Texte : ophelie
Photos : PF 18
Notes
- (1) Médecine » pour dire « femme médecin », un terme utilisé dans la langue française que des académiciens misogynes ont décidé de supprimer comme la totalité des noms de métiers féminisés. Avant le XVIIe siècle, on disait un médecin et une médecine comme on dit maintenant un boulanger et une boulangère.
- (2) Rappelons le contexte : la loi Neuwirth du 29 décembre 1967 qui autorisait l’usage de contraceptifs mit plusieurs années à se mettre véritablement en place et au début des années 1970, il fallait encore se procurer les produits sous le manteau et se fournir au Royaume-Uni ou en Suisse. Il faudra attendre le 17 janvier 1975 pour que l’avortement soit dépénalisé grâce à la loi Veil. C’est pourquoi, retrouver un cadre médical qui accompagne véritablement les personnes dans leur choix d’IVG et de contraception était une belle exception.
- (3) Annie Girard succédera à Philippe Nottin à la présidence du PF à partir de 2018.
- (4) Gisèle Halimi était une avocate, militante féministe et femme politique franco-tunisienne.
- (5) Centre d’Information sur les Droits des Femmes et des Familles.
- (6) https://www.onufemmes.fr/nos-actualites/2023/3/20/pres-de-300-ans-avant-datteindre-legalite-de-genre-onu-femmes-france-appelle-a-revoir-nos-priorites-
Plus
L’éducation populaire est une ligne directrice du Planning Familial depuis ses débuts. L’objectif d’une telle association est l’éducation par, pour et avec les personnes concernées.
« L’éducation populaire, c’est avant tout l’ambition de ne pas séparer l’action et l’analyse, de ne pas séparer celleux qui font, celleux qui réfléchissent, et celleux qui décident. C’est en cela que l’éducation populaire est directement liée aux pratiques d’autogestion (de nos activités, de nos luttes, de l’économie).
L’éducation populaire, ce n’est pas éduquer le peuple. Ce n’est pas apporter la conscience de l’extérieur à des personnes qu’on considéreraient comme « à conscientiser ». Ce sont des dynamiques collectives qui permettent aux dominé·e·s de développer ensemble une compréhension critique de la société et des origines des inégalités sociales. Il s’agit de se donner les moyens de comprendre le monde pour pouvoir le transformer.
Pour cela, l’éducation populaire nous invite à travailler à partir de nos situations pour les analyser, les comprendre, agir pour les transformer. L’objectif étant de transformer la société, les démarches d’éducation populaire ne sauraient être neutres.
[…]
On n’émancipe pas autrui : l’éducation populaire n’a rien d’une posture avant-gardiste ou prosélyte, mais une invitation à l’autogestion. »
Plus d’informations sur http://www.education-populaire.fr/definition/