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« RBG », Julie Cohen et Betsy West

13 juillet - 15 août 2023
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« Je ne réclame aucune faveur pour les personnes de mon sexe. Tout ce que je demande à nos frères, c’est qu’ils veuillent bien retirer leurs pieds de nos nuques. » Cette phrase, empruntée à la féministe du XIXe siècle Sarah Grimké, résume bien dans quel état d’esprit Ruth Bader Ginsburg – dite RBG – a mené le combat de sa vie : sans éclats de voix mais avec opiniâtreté, pédagogie et intransigeance. Ce documentaire raconte l’histoire de la première femme progressiste nommée juge à la Cour suprême des Etats-Unis, qui marqua durablement les lois contre toutes les discriminations de genres.  

Le film a été tourné en 2017, alors que Ruth Bader Ginsburg avait 84 ans et était en poste en tant que juge à la Cour suprême des Etats-Unis.
Il revient sur son enfance à Brooklyn dans les années 1930, au sein d’une famille de réfugié·e·s juif·ve·s, sur ses études à l’université de Cornell à une époque où l’établissement avait encore des quotas pour les femmes, et son entrée à Harvard où elle est considérée comme l’une des 25 meilleurs éléments de sa promotion qui en comptait 500 (dont neuf femmes seulement…). C’est mariée et mère d’un jeune garçon, menant déjà de fronts plusieurs vies, qu’elle sera finalement diplômée en Droit à l’université de Columbia en 1959. Mais aucun cabinet d’avocats de New-York n’accepte alors d’embaucher des femmes. Elle devient enseignante.

Très inspirée par le mouvement pour les droits civiques, elle cofonde en 1972 le Women’s Rights Project, soutenue par l’Union Américaine des Libertés Civiles (UCLA), et travaille avec d’autres juristes sur plus de 300 cas de discriminations. Son but ? Emmener des affaires jusqu’à la Cour suprême, afin que les jugements fassent jurisprudence et ainsi, modifient en profondeur les lois du pays. Sur les six affaires qu’elle plaide devant la Cour, elle en remporte cinq, dont celle d’un homme veuf, s’occupant seul de son enfant, et à qui on refusait « l’allocation maternelle » sous prétexte qu’elle avait été créée pour les femmes. « C’était très intelligent », se souvient l’un des protagonistes de l’époque. Et de fait : en choisissant la stratégie dite « étape par étape », et en ne se présentant pas seulement comme une féministe mais comme une militante contre toutes les formes de discriminations, RBG a su capter l’attention de jurys exclusivement masculins avant d’obtenir davantage de droits pour les femmes.

En 1980, alors que Jimmy Carter est à la tête des Etats-Unis, il décide d’offrir un nouveau visage à la magistrature qui soit plus représentatif du pays, c’est-à-dire avec plus de femmes et de membres de la communauté afro-américaine. Il nomme RBG à la Cour d’appel de Columbia. Treize ans plus tard, Bill Clinton lui offre une place à la Cour suprême. Elle est alors la deuxième femme après la conservatrice Sandra Day O’Connor à y entrer. Considérée comme progressiste, elle cherche surtout le consensus.
Mais à l’arrivée de G. W. Bush, elle se radicalise et devient dissidente. En 2009, elle permet de modifier la loi sur les discriminations salariales entre hommes et femmes et en 2013, elle s’engage contre l’invalidation du Voting Rights Act, une loi de 1965, véritable monument des droits civiques ayant pour but de limiter la discrimination raciale dans les Etats au passé ségrégationniste.

Les réalisatrices, Julie Cohen et Betsy West, ne s’attachent pas seulement à la combattante mais aussi à ses allié·e·s, sa famille, ses collègues, ses ami·e·s… et, plus surprenant dans un propos féministe, son mari. Rencontré à l’université, lui-même avocat, Marty Ginsburg accepta de s’occuper de sa famille et de se mettre en retrait, afin que sa femme puisse poursuivre la lutte. Une posture rare pour un homme de sa génération.
Elles montrent enfin comment RBG est devenue une véritable icône comme seule la culture pop états-unienne sait en fabriquer, adulée sur les réseaux sociaux par toute une génération de jeunes juristes et militant·e·s pour les droits à l’égalité.

RBG est décédée deux ans après la sortie du film des suites d’un cancer. Elle a continué à travailler à la Cour suprême jusqu’à sa mort en 2020.

Le film de Julie Cohen et Betsy West est disponible en DVD et VOD : https://www.rbgmovie.com/

F.L.

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