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Photo de couverture

« Five years », S. Zeithammerova et D. Vondrasek

13 juillet - 15 août 2023
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A ne pas manquer sur Arte-replay, en ce moment, une série tchèque percutante, en dix épisodes d’environ 15 minutes. Elle raconte comment la jeune Tereza croise à nouveau le chemin de celui qui l’a violée cinq ans plus tôt et comment elle va tenter de surmonter ce traumatisme jusqu’ici tu. Mais l’originalité de la narration tient surtout au fait que l’on suit aussi le point de vue de l’agresseur et que l’on comprend alors tous les mécanismes à l’œuvre dans la société pour nier les violences sexuelles dès lors qu’elles sont le fait d’hommes « ordinaires ».

C’est alors qu’elle se rend chez une éditrice pour présenter son premier essai que Tereza croise David dans la rue. Cinq ans qu’iels ne se sont pas vu·e·s. Cinq ans qu’il n’avait pas pensé à elle. Cinq ans qu’elle ne faisait qu’y penser, depuis cette nuit où il a abusé d’elle.

Les premières minutes de chaque épisode débutent de la même manière : un soir de fête après le bac, des lycéen·ne·s qui boivent, dansent, flirtent. C’est donc par étape, que les spectateur·ice·s apprennent ce qui s’est réellement passé. Entre temps, iels suivent Tereza cinq ans plus tard, croisant David, racontant à son éditrice la nuit où tout a basculé, acceptant d’en faire un livre, se débattant avec sa mère, son amoureuse… Iels suivent aussi David, abasourdi par les accusations de Tereza alors que la vie lui sourit : il termine ses études de médecine et s’apprête à se marier. La vidéo que Tereza poste sur les réseaux sociaux pour révéler son histoire agit comme un tremblement de terre et tout l’environnement du jeune homme s’écroule…

On pourrait s’étonner que les réalisateur·ice·s, Sara Zeithammerova et David Vondrasek, aient accordé autant de place au point de vue de l’agresseur. Mais ce procédé de narration est particulièrement malin. Pourquoi ? Parce qu’il nous permet d’éprouver tous les mécanismes des cas d’« affaires » de violences sexistes et sexuelles. Puisqu’on ne connaît la vérité qu’à la fin, on s’interroge : qu’entend Tereza par « viol » ? David est-il sincère quand il dit ne pas l’avoir vécu ainsi ? A-t-elle été claire dans son refus ? Pourquoi n’a-t-elle jamais porté plainte ?

Et l’on s’arrête net. Pétrifié·e par ses propres pensées. Première règle en cas de violences sexistes et sexuelles : écouter et ne pas remettre en cause la parole de la personne qui se dit agressée. C’est à l’agresseur présumé et à lui seul qu’il revient de faire la preuve de son innocence.

Le comportement de l’entourage des deux protagonistes (joué·e·s par Alžběta Malá et Samuel Toman) reflète aussi la manière dont la société réagit : la victime est dénigrée (« elle fait ça pour attirer l’attention »), l’agresseur renforcé par ses pairs (« elle t’allumait, je l’ai bien vue »). Les femmes ne sont pas (toujours) les meilleures soutiens : de l’éditrice qui veut profiter de la situation, à la mère de David dans le déni, en passant par la propre mère de Tereza terrorisée à l’idée que soit salie sa réputation… Heureusement, de vrai·e·s ami·e·s sont là, des allié·e·s insoupçonné·e·s aussi.

La fin ? Pas question de la divulgacher. Disons simplement que là aussi, elle décontenance...

F.L.

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Pour la découvrir, courez sur Arte.tv ! https://www.arte.tv/fr/videos/RC-023722/five-years/