
Ecologie, le nouveau souffle de l’Eglise ? par Matthieu Saintenar
Longtemps, les Chrétien·ne·s ont justifié l’exploitation de la nature par un extrait du Livre de la Genèse, texte ancestral et sacré, qui ordonnerait à l’Homme de soumettre la terre. Mais de nombreux·se·s croyant·e·s s’en détournent aujourd’hui, comme le montre le témoignage de Frère Marie Benoît recueilli dans ce film : comme tous les moines de Notre-Dame-du-Chêne (communauté des Frères de Saint-Jean installée dans la Sarthe), il rejette tout ce qui encourage à dominer la Terre et les créatures qui l’habitent. « Selon le pape, la foi chrétienne serait par essence anti-consumériste, anti-matérialiste et respectueuse de la Nature » puisqu’une œuvre sacrée de Dieu.
Depuis 2017, l’Eglise catholique a lancé l’Eglise verte, un mouvement et un label qui permet d’établir un diagnostic des pratiques écologiques au sein d’une paroisse et d’encourager ce qu’elle appelle « la conversion écologique ». Les évêques peuvent désormais missionner des laïc·que·s chargé·e·s d’accompagner cette conversion. Le réalisateur du documentaire, Matthieu Saintenar, est allé à la rencontre de quelques-un·e·s d’entre elleux près de Poitiers : Etienne Franchineau, agriculteur ; Clémence Pourroy, conseillère municipale déléguée au patrimoine historique à la Ville de Poitiers ; Arnaud Chambard, ingénieur en écologie fluviale et militant d’Extinction Rébellion.
Pour Etienne, cultiver la terre en agriculture biologique est une manière de la préserver et de la nourrir. Il se donne pour mission d’aller à la rencontre des autres agriculteur·ice·s pour les convaincre du bien-fondé d’une telle démarche.
Clémence a « transformé sa foi en combat politique pour l’écologie et la justice sociale ». Comme elle le rappelle, d’autres Chrétien·ne·s l’ont fait publiquement avant elle, par exemple Noël Mamère ou Cécile Dufflot.
Arnaud a choisi les actions de désobéissance civile et y voit un prolongement des actes révolutionnaires menés par Jésus en son temps. Il rappelle ainsi que la non violence n’exclut pas de réaliser des actes forts. Aux dernières élections présidentielles, il avait mené une grève de la faim pour inciter les candidat·e·s à répondre aux enjeux climatiques. Aujourd’hui, il combat l’artificialisation des terres agricoles. « Les actions sont semblables à des rituels, souligne-t-il. Et quand on agit, on incarne pleinement ses convictions. »
Mais tous·tes les Chrétien·ne·s ne sont pas prêt·e·s à prendre ce chemin. Interrogée dans le documentaire, Laura Morosini, secrétaire générale de l’Eglise verte, ne nie pas les oppositions : craintes de proximité avec certains partis, climatosceptisme très fort dans certaines paroisses… Clémence Pourroy souligne aussi les différentes interprétations possibles du message du pape lorsqu’il évoque la « protection de la vie » : alors qu’elle en a une lecture écologiste sociale et donc, notamment, féministe, certain·e·s s’en saisissent pour défendre les principes de la vie à tout prix et donc, pour remettre en cause le droit à l’avortement.
Dans l’Eglise comme partout ailleurs, la question écologique est donc politique dans la mesure où elle suppose que les fidèles portent un regard critique sur la société pour ensuite agir. « L’écologie peut être un moyen et un vecteur pour incarner le message du Christ », assure Arnaud. Le mouvement est en tout cas lancé : sur les 10.621 paroisses que compte l’Eglise française,100 à 200 s’engagent chaque année dans la démarche de l’Eglise verte.
Co-produit par KTO et Parce Que Production, le documentaire de Matthieu Saintenar est sorti en 2023. Il est visible gratuitement sur https://www.egliseverte.org/fiches/films-et-documentaires-chretiens/