
L’Association Medina veut poursuivre son aide à Gaza
Qui sait ce qu’il reste des fresques peintes sur les murs ? Des jouets, du matériel pédagogique, des cahiers et des crayons de couleurs ? Sur les photos, je vois des enfants souriant·e·s et alors, mon cœur se serre : je ne peux m’empêcher de me demander combien sont encore en vie… (1)
Ces enfants vivaient à Beit-Hanoun et Jabalia, des quartiers de la Bande de Gaza. Un jour, des Français·e·s sont venu·e·s. Iels ont demandé aux habitant·e·s et aux associations locales quels étaient leurs besoins. Ensemble, iels ont créé des maisons d’accueil pour les enfants. Gaza compte beaucoup de jeunes mais pas assez d’écoles : les élèves doivent s’y relayer sur des demi-journées. Que faire le reste du temps ? Les maisons d’accueil seraient là pour elleux, de la maternelle au collège.
Sont-elles toujours debout ? Ou les bombardements les ont-elles toutes pulvérisées ? Ont-elles été transformées, comme nombre d’établissements scolaires, en abris de fortune pour des centaines de familles qui ont tout perdu ? « Nous n’avons pas d’inventaire précis de ce qui a été détruit, m’explique Willy Béteau, membre de l’Association Medina de Bourges qui a initié la création de ces maisons d’accueil. Il faudrait d’abord que les bombes arrêtent de tomber. »
Pourtant, sur place, la coordinatrice des programmes de l’association s’active. Elle ne veut pas baisser les bras, elle veut continuer à aider les enfants. L’Association Medina est là pour elle, fidèle à son principe fondateur : « soutenir les victimes de conflit ».
Mais comment l’association peut-elle agir à Gaza ? Qu’avait-elle mis en place qu’il faudra reconstruire ? Comment peut-elle peser pour que l’aide arrive enfin à la population ?
Travailler en coopération avec les forces locales
C’est en Bosnie que les bases de l’Association Medina ont été posées. Franck Carrey, médecin, et son épouse Manuela, aide-soignante, partent alors pour apporter leur soutien aux victimes de la guerre en ex-Yougoslavie. Leur chemin croise celui d’une petite fille leucémique, Medina, qui donnera son nom à l’association qu’iels créent en mars 1998. Leurs objectifs : apporter un soutien matériel, technique et médical aux victimes de conflits, dénoncer les violences commises à leur encontre, mais aussi informer et sensibiliser la population en France.
L’association est intervenue au Kosovo entre 1998 et 2000, puis en Tchétchénie entre 2001 et 2009. Elle est présente à Gaza depuis 2009, en Syrie depuis 2012 et en Ukraine depuis 2022. « Nous allons là où c’est possible pour nous et où peu d’ONG sont présentes, précise Willy Béteau. Nous travaillons toujours en coopération avec des habitant·e·s et des associations locales, et leur passons ensuite le relais pour pérenniser les projets. »
Les bénévoles agissent selon trois axes : la santé, l’eau et l’enfance. « Nous nous sommes aperçu·e·s que distribuer des médicaments, c’est bien, mais quand l’eau pour les prendre n’est pas potable… »
Première étape : évaluer les besoins en allant sur place. Puis concrétiser le projet en partenariat avec les acteur·ice·s locaux·les. Une nouvelle mission permet de vérifier la mise en œuvre, de dresser un bilan et enfin, d’envisager les projets suivants.
C’est ainsi qu’en Syrie, une maternité et une clinique dentaire ont vu le jour dans la région d’Alep. En Ukraine, deux blocs opératoires complets ont pu être acheminés à l’hôpital de Tchernivtsi et d’autres matériels médicaux à celui de Tcherkassy qui accueille les grand·e·s brûlé·e·s et les soins de suite orthopédiques (blessures graves et courantes pendant la guerre). Dans un centre de transit des réfugié·e·s vers la Roumanie, c’est du matériel de cuisine qui a été envoyé.
Des enfants en situation de détresse
A Gaza, les trois maisons d’accueil pour les enfants sont sorties de terre entre 2014 et 2017. Depuis, des associations locales ont pris le relais. « Pour financer leur fonctionnement, les solutions trouvées sont très variées d’une maison à l’autre et montrent aussi la diversité des situations des Palestinien·ne.s, souligne Willy Béteau. A Beit Hanoun, où vit la petite bourgeoisie, c’est une école maternelle payante qui a été créée pour financer la maison d’accueil. A Jabalia, quartier plutôt populaire, ce sont des cours du soir. Et dans le camp de réfugié·e·s de Jabalia, les femmes de l’association Tal al-Zaatar fabriquent elles-mêmes des produits d’entretien qu’elles vendent. »
Autre projet important, mené au nord de Gaza puis dans le sud : une équipe mobile de soutien psychologique. Grâce à des activités ludiques, les psychologues parviennent à détecter les enfants en situation de détresse post-traumatique, du fait des opérations militaires à répétition menées par l’armée israélienne sur leur territoire : « Plomb durci » en 2008-2009, « Pilier de défense » en 2012, « Bordure protectrice » en 2014, « Gardien des murs » en 2021, « Bouclier et flèches » en 2023… A chaque fois, les affrontements entre le Hamas et Tsahal font de nombreuses victimes civiles, y compris des enfants (2).
« Quand tu demandes à un petit palestinien de faire un dessin, il te fait sa maison et des gerbes d’éclairs, raconte Willy Béteau, qui s’est rendu dans la Bande de Gaza en 2014. Toujours le même dessin : sa maison et des gerbes d’éclairs. »
Un programme d’accès à l’eau et à l’assainissement
Depuis 2018, l’Association Medina s’est attaquée à un autre problème majeur à Gaza : l’accès à l’eau potable. « Durant nos séjours, nous nous sommes rendu·e·s compte à quel point c’était crucial. Quand tu es là-bas et que tu prends ta douche à l’eau salée, ça te fait vite réfléchir… raconte Willy Béteau. Les enfants les plus en difficulté pouvaient passer une journée entière sans pouvoir boire ! Notre but a été d’installer dans les écoles de petites unités de désalinisation, des cuves de récupération d’eau de pluie, des pompes, mais aussi des toilettes et des systèmes d’assainissement. » En trois ans, une trentaine d’écoles de la ville de Khan Younès ont ainsi été équipées.
Pour cela, l’Association Medina s’est appuyée sur une ingénieure palestinienne en hydrologie, que l’association a salariée en tant que coordinatrice de programmes.
Comment sont financés les projets de l’association ? « A 95 % grâce à des subventions, répond Willy Béteau. Nous recevons des dons de particuliers mais ils ne suffiraient pas. » A la création de l’association, ce sont essentiellement la Région Centre et le Conseil départemental du Cher qui la soutenaient. Depuis, selon les projets, elle a reçu des fonds du ministère des Affaires étrangères, de fondations, de collectivités… Pour le programme d’accès à l’eau et l’assainissement par exemple, elle a pu compter sur les agences de l’Eau Loire-Bretagne et l’Aglo Aix-Marseille ou le Grand Lyon.
Manifester, sensibiliser, boycotter
Sans les bombardements israéliens, le programme aurait continué. « Heureusement, les collectivités nous ont renouvelé leur confiance et ont promis de garder les fonds jusqu’à la fin de la guerre », explique Willy Béteau. Alors, il faudra sans doute tout reprendre à zéro…
Parvient-il à avoir des nouvelles de ce qui se passe sur place ? « Oui, par l’intermédiaire de notre coordinatrice de programmes qui s’est réfugiée à Rafah. Nous continuons à lui verser un salaire et même un peu plus. Elle fait tout pour remettre une unité mobile de soutien psychologique en route, pour aller aider les enfants dans les camps de réfugié·e·s. Des responsables de l’UNRWA (3) nous ont également sollicité·e·s pour intervenir dans leurs écoles transformées en centres d’accueil. »
Parce que son action dépend des subventions et que la période est politiquement délicate en la matière, difficile d’espérer faire pression pour un réel soutien du gouvernement français en faveur des Palestinien·ne·s. Mais Willy Béteau l’assure : « A chaque fois qu’un peuple souffre, l’association prend position. » Et interpelle : comment les collectivités qui financent les projets peuvent-elles accepter de les voir ensevelis sous les bombardements ? Peut-être cet angle d’attaque portera ses fruits.
En attendant que la situation s’améliore là-bas, l’Association Medina tente de sensibiliser au maximum ici : chaque samedi, elle co-organise un rassemblement à Bourges pour un cessez-le-feu et une paix durable en Palestine. Elle participe également à la campagne BDS, Boycott Désinvestissement Sanctions (4) via son adhésion à Palestine 18 (5). Enfin, après une première Journée pour la Paix organisée dans le quartier des Gibjoncs à Bourges avec d’autres associations et des habitant·e·s, elle prépare de nouvelles actions. Pour que Gaza ne soit pas oubliée et que les enfants, premières victimes de cette guerre, soient enfin protégé·e·s.
Texte : Fanny Lancelin
Photos : Association Medina
Notes
- (1) Selon l’UNICEF : la Bande de Gaza est aujourd’hui l’endroit au monde le plus dangereux pour les enfants. Au 31 janvier 2024, sur les 26.900 personnes tuées depuis le 7 octobre, 5.350 au moins seraient des enfants ; 10.787 enfants seraient blessé.e.s et des milliers d’autres porté·e·s disparu·e·s. 98 enfants auraient également été tué·e·s en Cisjordanie. https://www.unicef.fr/article/israel-palestine-les-enfants-paient-le-prix-de-la-guerre/
- (2) https://www.geo.fr/geopolitique/bande-de-gaza-une-succession-de-15-annees-de-guerres-avec-israel-216996
- (3) UNRWA : agence de l’ONU dévolue aux réfugié·e·s palestinien·ne·s.
- (4) https://www.bdsfrance.org/
- (5) Lire aussi dans nos archives l’article sur l’association Palestine 18.
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Contacts :
Association Medina : coordination@solidarite-medina.org et 06.81.98.56.42.
Site Internet : https://solidarite-medina.org/