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« Méga-bassines : histoire d’un mensonge d’Etat », Off Investigation et Reporterre

15 mars - 15 avril 2024
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La Confédération paysanne (lire la rubrique (Ré)acteur·ice·s) mène, aux côtés de Bassines Non Merci et des Soulèvements de la Terre, une lutte contre l’accaparement de l’eau par les agro-industriels. Ce documentaire démontre les conflits d’intérêts qui se cachent derrière les méga-bassines. Il est le fruit d’une enquête minutieuse réalisée durant six mois dans le marais poitevin.

Off Investigation est un média indépendant créé en 2021 par le Grand Reporter Jean-Baptiste Rivoire. Il travaillait pour Canal + mais ses positions en tant que syndicaliste ne plaisait guère au milliardaire propriétaire de la chaîne, Vincent Bolloré. Avec Off Investigation, Jean-Baptiste Rivoire a renoué avec sa pratique d’enquêtes de fond et de révélations sur les coulisses du pouvoir : il a lancé une série intitulée « Emmanuel, un homme d’affaires à l’Elysée » dont la deuxième saison vient de débuter. C’est la journaliste Clarisse Feletin qui a réalisé cet épisode consacré aux méga-bassines. Son enquête a été co-produite par Reporterre, webzine indépendant qui traite de l’écologie.

D’une durée de 55 minutes, le documentaire débute par une balade en barque avec Julien Le Guet, un des porte-paroles de Bassines Non Merci, collectif qui milite contre les retenues d’eau pour l’irrigation, alimentées directement par pompage dans les nappes phréatiques, menaçant ainsi les milieux déjà très affectés par le changement climatique.

On entend aussi Jean-Jacques Guillet, ancien maire d’Amuré dans les Deux-Sèvres, qui se désole de la baisse du niveau des tourbières ; Patrick Picaud, vice-président de France Nature Environnement 17, qui constate l’assèchement de la rivière Le Mignon depuis la construction de la bassine de Mauzé-sur-le-Mignon, et la perte de la biodiversité ; Benoît Biteau, député européen Europe Ecologie – Les Verts et paysan, vent debout contre les mécanismes qui maintiennent les agriculteur·ice·s dans un système mortifère ; Mathilde Roussel, vice-présidente de l’agglomération de La Rochelle, qui s’inquiète des problèmes quantitatifs et des pollutions qui touchent l’eau.

Mais la qualité du documentaire tient surtout au fait que Clarisse Feletin est parvenue à faire témoigner « l’autre camp ». Autrement dit, ceux qui défendent le système des méga-bassines. Par exemple, Jean-Yves Moizant et Christian Cordonnier, respectivement président et directeur général de la Coopérative Terre Atlantique, qui se félicitent d’exporter 60 % des céréales produites dans la région via le port de La Rochelle : « Si à une époque, (l’objectif) a été de nourrir, aujourd’hui, c’est la rentabilité qui compte aussi », assument-ils.

Devant la caméra, on découvre aussi Thierry Bouret, l’un des plus riches céréaliers des Deux-Sèvres qui contrôle une holding financière spécialisée dans la méthanisation ou l’immobilier. « Possédant ou co-gérant sept exploitations agricoles, qu’il a rachetées progressivement, son royaume s’étend sur plus de 1.800 hectares, souligne Clarisse Feletin. Depuis quelques années, l’Etat l’autorise à avoir sa propre « bassine ». Pour irriguer ses immenses champs de maïs, il pompe un million de m3 d’eau par an dans les nappes phréatiques, soit autant que la consommation annuelle de 35.000 habitants. » Pour lui aussi, c’est l’exportation qui enrichit. Nourrir la population ? Oui, mais pas en local, le marché international est bien plus lucratif.

Témoigne également Luc Servant, président de la Chambre régionale de l’agriculture. Avec un cynisme désarmant, il ne parvient même pas à dénoncer les violences exercées par des adhérents de la FNSEA sur un militant écologiste local, arguant qu’il est difficile de trouver des moments d’échange avec « certaines associations » qui optent pour le recours en justice contre les méga-bassines.

Elu de la République, Benoît Biteau reçoit régulièrement des menaces de mort et a été attaqué au fusil par l’un de ses voisins. Pourtant, la cellule Demeter de la gendarmerie, spécialisée dans les violences au sein du monde agricole, a refusé de le protéger parce qu’il est un écologiste…

Dans le Poitou et partout où des bassines sont annoncées, les militant·e·s attaquent en justice. Mais les recours sont rarement suspensifs et les chantiers avancent vite. Le documentaire montre bien à quel point l’Etat est à la manœuvre pour répondre aux exigences du syndicat majoritaire agricole, la FNSEA, et comment il fait pression sur les préfet·e·s pour qu’iels accélèrent les projets.

Le prochain épisode, « Sainte-Soline : autopsie d’un carnage », reviendra sur la manifestation qui a eu lieu contre les méga-bassines il y a un an, le 25 mars 2023. Face à 30.000 manifestant·e·s, l’Etat a déployé un arsenal répressif hors normes provoquant des violences inouïes. Le documentaire sortira en avant-première le jeudi 21 mars à Paris. Il sera visible en exclusivité pour les abonné·e·s d’Off Investigation durant trois semaines sur le site du média indépendant, avant d’être en accès libre pour tous·tes.

Pour en savoir plus et regarder gratuitement « Méga-bassines : histoire d’un mensonge d’Etat », c’est ici : https://www.off-investigation.fr/megabassines-histoire-secrete-dun-mensonge-detat/